Et le Qatar (re)créa le sport...

19/12/2011 08:39

https://www.lefigaro.fr/sport/2011/06/04/02001-20110604ARTFIG00003-et-le-qatar-recrea-le-sport.php

Dans cet article du figaro.fr publié le 4 juin 2011, Pierre Flieck brosse un portrait du développement des investissements sportifs du Qatar.

Alors que le Qatar, minuscule Etat du Golfe Persique, vient d'obtenir l'organisation de la Coupe du Monde de football 2022 au nez et à la barbe des Etats-Unis, le journaliste rappelle l'importance croissante que prennent les Qataris dans le financement et l'organisation d'évènements sportifs majeurs. Tous les sports sont concernés : le football donc, avec l'organisation de la Coupe du Monde 2022 mais aussi le tennis avec le tournoi ATP de Doha, le golf avec le Qatar Masters de Doha, le cyclisme avec le Tour du Qatar (et même une candidature pour organiser le départ du Tour de France, pour l'instant rejetée), la moto avec le Grand Prix du Qatar, l'athlétisme avec les Mondiaux en salle de 2010, le handball avec le Championnat du Monde 2017, l'équitation avec la Dubaï World Cup. Si tous ces évènements se déroulent sur le territoire qatari, il faut également ajouter tous les financements destinés au sport à l'étranger. Citons en football le rachat du PSG et du club Espagnol de Malaga, ou encore le sponsoring du FC Barcelone ; en équitation, le Qatar Prix de l'Arc de Triomphe... Les exemples de groupes sportifs ou d'épreuves investis par les milliardaires Qataris sont nombreux.

Le succès du Qatar est particulièrement révélateur des métamorphoses qu'a subi le monde du sport ces vingt dernières années. Il est désormais étroitement lié à l'économie : les organisations sont attibuées aux pays offrant les projets les plus ambitieux, et le gouvernement qatari a su construire de toutes pièces des infrastructures sportives gigantesques et ultra-modernes, comme le complexe sportif de l'Aspire Zone (l'équivalent de l'INSEP français, en plus grand et plus moderne encore). Des installations qui attirent les sportifs pour leur confort et font du Qatar une vitrine du sport mondial.

Pourtant, l'auteur souligne bien que "les soirs de match, les stades de Doha sont quasi déserts". Le Qatar est un petit pays de moins d'un million d'habitants n'ayant aucune culture sportive. Comment expliquer cette volonté de s'implanter dans le sport ? La réponse se trouve dans la dernière phrase de l'article : "sortir de son anonymat". En effet, les relations géopolitiques du Qatar avec les voisins de l'Arabie Saoudite et de l'Iran sont tendues. La fortune que cet Etat tire de ses gisements d'hydrocarbures (gaz et pétrole) suscite la convoitise, mais le Qatar trop peu peuplé ne peut pas s'appuyer sur une armée dissuasive. La solution consiste donc à se donner une importance aux yeux de la planète entière, qui garantit la protection des grandes puissances "clientes" du sport. De plus, l'investissement dans le sport permet d'améliorer l'image du pays, et a l'avantage de bâtir une fortune plus sûre encore que les hydrocarbures (au cas où, un jour lointain, les gisements s'épuiseraient...). Même s'il suscite  la jalousie des pays de tradition sportive battus dans la course aux organisations. Cheikh Saoud Ben Abdulrahman al-Thani, le secrétaire général du Comité olympique du Qatar, explique ainsi : "On nous reproche souvent nos moyens financiers. L'argent, l'émir a préféré l'investir non pas dans des armes ou des projets sans lendemain mais dans le sport, valeur de développement et de rapprochement des peuples la plus partagée au monde."

Ainsi, le Qatar contribue au développement du sport. De plus, même si les Qataris sont particulièrement friands de football, ils ont le mérite d'investir dans l'ensemble des sports, ce qui est bénéfique pour beaucoup de disciplines en mal de visibilité médiatique comme le handball ou l'athlétisme. Cependant, cette politique comporte un certain nombre de risques. En investissant sans limite dans le sport de haut niveau, le Qatar phagocyte le sport mondial. Beaucoup d'épreuves sont menacées de disparition face à la concurrence des évènements qataris. Ainsi, en cyclisme, le Tour Méditerranéen, disputé chaque année en février, à la même période que le Tour du Qatar, peine de plus en plus a trouver des coureurs professionnels pour venir disputer la course. Enfin, en achetant le sport, les Qataris creusent le fossé entre son public traditionnel et des sportifs devenus des stars plus attirées par l'argent que le challenge sportf : "qu'est le monde du football aujourd'hui sinon celui de l'argent?" s'interroge avec malice le secrétaire général du Comité olympique du Qatar. Ce phénomène éloigne chaque jour le sport de haut niveau du sport amateur local pour le rapprocher du sport-business... Ce qui n'était sans doute pas dans l'idée de Pierre de Couvertin, rénovateur des Jeux Olympiques modernes en 1896.